Pôle de recherche JEDI
(Jung EMDR Dynamiques d’Intégration)
Ce GROUPE DE RECHERCHE au sein du groupe de travail SYNERGIE : EMDR ET CLINIQUE, à visée de RECHERCHES UNIVERSITAIRES, est né de la rencontre entre la fondatrice de ce groupe, et une universitaire. La première a réuni une équipe de thérapeutes EMDR, spécialistes de la pensée jungienne, pour fédérer des professionnels qui travailleraient dans Synergie, à partir de l’intuition de la seconde, chercheuse et Maître de Conférences au CNAM, formée elle même à l’outil EMDR.
Anne-Sophie Dubey est maîtresse de conférences au Conservatoire national des Arts et métiers (Paris). Elle y donne des cours en éthique des affaires, théorie des organisations et sur les nouvelles formes organisationnelles. Elle co-dirige le Master « Organisation et Conduite du Changement » (OCC), incluant le partenariat avec la Croix-Rouge française pour la formation « Cadre de santé », avec Sakura Shimada.
Elle est membre du Laboratoire interdisciplinaire sur les sciences de l’action collective (Lissa) et mène des recherches qui portent sur la démocratisation du travail/l’émancipation des salarié·e·s, sujet qu’elle aborde tant du point de vue de la théorie des organisations que de l’éthique des affaires.
Sa thèse lui a valu de recevoir le Prix 2024 de la Meilleure Thèse Transdisciplinaire en Management décerné par la FNEGE :
Psychanalyste intégrative, spécialiste de l’approche Jungienne.
Thérapeute EMDR Généraliste et spécialisée dans la dissociation et les cas complexes en psychopathologie. Consultante RPS et santé mentale au travail. Rédactrice du courrier psycho de Version Fémina.
Auteure de :
« Du plaisir d’être soi » Flammarion, Collection «J’ai Lu »
La pensée de JUNG
permet de s’engager dans
UNE voie qui permet de trouver SA voie.
Pôle de recherche interdisciplinaire JEDI : Jung EMDR Dynamiques d’Intégration
En EMDR, les séances réveillent souvent des images spontanées, empreintes sensorielles, qui ne sont pas seulement des restes mnésiques mais des voies de transformation. C’est là où un lien peut s’établir avec l’approche du psychanalyste Carl Gustav Jung, car l’image est au cœur de l’analyse jungienne.
Rêves, visions, symboles sont des portes d’accès à l’inconscient et contiennent une force de guérison et de recomposition. Dans les deux approches, l’image intérieure n’est pas un « décor », mais une matière vivante que la psyché utilise pour cicatriser et se réorganiser. Mais aussi pour ouvrir de nouveaux chemins de conscience et de connaissance.
Au-delà du soulagement des symptômes, l’ambition de cette approche est d’ouvrir l’individu à une expérience plus vaste de lui-même et du monde : l’inconscient est un partenaire, un guide, parfois déroutant, mais porteur de sens.
Carl Gustav Jung
Synthèse des archétypes jungiens
PROGRAMME DE RECHERCHE
Décrypter le symbolisme en EMDR : un levier pour réinventer les imaginaires individuels et collectifs ?
Ce projet de recherche croise les disciplines de la psychiatrie, de la psychologie clinique, de la sociologie, de l’anthropologie et de la théorie des organisations, avec deux visées :
→ En thérapie : relire et enrichir l’EMDR dans sa fonction thérapeutique, en montrant l’articulation du Réel, du symbolique et de l’imaginaire, à l’encontre de l’objet supposé de l’EMDR qui ne serait que le traumatisme.
Ainsi, alors que Molière faisait rire en mettant en scène Monsieur Jourdain qui se découvrait faisant de la prose, à son insu, le·la thérapeute EMDR est en capacité avec son patient·e de traverser les dimensions du Réel, du symbolique et de l’imaginaire en les traitant.
→ Pour les collectifs de travail : la richesse symbolique de l’EMDR est également explorée au-delà du traitement thérapeutique, comme un levier à fort potentiel pour réinventer et revitaliser les collectifs de travail. Cette application de l’EMDR dans le champ de la théorie des organisations constitue une piste de recherche inédite.
EXTRAIT DE CE LABORATOIRE DE RECHERCHE
Des investigations autour de symboles choisis pour leur récurrence et pour leur proximité significative avec le maternel, qui résidait au cœur de la demande initiale d’une patiente : la crevette, l’escargot et la grenouille, avec un enchaînement qui s’est invité de lui-même. De ces
trois premières investigations s’est invitée assez naturellement la perspective d’aller explorer l’archétype de la “mère”/anima comme quatrième investigation. Pour rappel, l’ADN du protocole d’investigation est d’opérer comme un Google Search ou petit Sherlock Holmes en
action pour laisser émerger des explications potentielles à la problématique non résolue amenée par le·la patient·e (émotion type colère, tristesse ; blocages et symptômes persistants).
La présente expérimentation donne à voir plusieurs fonctions complémentaires d’un travail d’investigation autour du symbolique : (1) résolutive, (2) explicative/mise en sens, (3) d’ancrage identitaire et (4) intégrative :
(1) Première investigation, autour de la CREVETTE : Cette première investigation fait clairement remonter le lien avec la mère. Se succèdent la chanson de Freddie Mercury “I want to break free”, la figure de l’escargot, puis un appel à l’aide à la mère “Mummy, mummy, mummy” de manière répétée, sans pour autant que celle-ci n’apparaisse présentifiée. Toutefois, c’est bien parce que la mère est représentée symboliquement qu’elle devient agissante dans un effet de comblement et donc de réassurance de la petite fille. Voyons combien le symbolique permet ici le traitement d’une réalité confrontante en y préservant la fenêtre de tolérance du·de la patient·e. Nous trouvons là un moyen de se confronter implicitement à ses parts d’ombre voire à l’horreur de certains éléments de son vécu sans replonger le·la patient·e dans l’angoisse.
La beauté de l’investigation s’exprime dans son aspect résolutif inattendu : paradoxalement, c’est un apaisement dans le questionnement que nous observons.
2) Deuxième investigation, autour de l’ESCARGOT : Se confirme ici le lien perturbant avec la mère. L’entame de l’investigation fait émerger une perception lointaine : la patiente se regarde dans une mare comme dans un miroir, mais sans se voir. À cet endroit-là, elle ressent un sentiment de déconnexion, avec une pensée qui le cristallise : “Tout me semble loin”. L’ensemble est accompagné de la chanson “Like a Virgin” de Madonna, qu’elle précise un peu plus tard par “Like a Prayer”. Ce glissement d’une énonciation de la vierge vers une association différente n’est pas anodine pour renseigner sur la quête de transcendance. Notons ici que la patiente se réapproprie la foi comme une voie vers la transcendance ; elle y a recours régulièrement dans son quotidien comme force d’ancrage. D’une figure dépouillée de son identité sexuelle émerge une figure de prieuse qui espère sortir de son sort, mais tout en s’en remettant paradoxalement à Dieu. Cette réinterprétation donne à comprendre le manque fondamental à être soi, particulièrement dans la culture patriarcale de la fille, de la mère et des femmes en général – et de leur difficulté à réellement s’en extirper. Madonna ne joue-t-elle pas sur le clivage entre la “prostituée” et la “vierge” ?
Son projet artistique dénonce le caractère réducteur et enfermant du patriarcat au niveau identitaire. Dans cette perspective, la patiente avait travaillé la misogynie profondément ancrée dans la famille : l’existence de trois unions avec des anciennes prostituées et le fond religieux catholique de la mère, élevée dans un couvent, et du père, enfant de choeur et impliqué dans la vie ecclésiastique durant toute sa jeunesse. Apparaissent ensuite des figures peu rassurantes voire inquiétantes, interprétées comme un danger par la patiente : le fantôme Casper et des personnes armées. En parallèle, l’escargot est présent sans l’être : il se manifeste pendant toute l’investigation sur un deuxième plan, juxtaposé aux autres images. Aucune signification n’y est projetée par la patiente. Ce temps dans l’investigation renvoie la patiente au choc de son hospitalisation à 18 ans lié à un accident. La trace mnésique dit d’elle qu’elle est déroutée, délaissée et seule.
L’investigation remplit ici une fonction explicative : en première instance, l’escargot représente la petite fille chargée de sa maison sur son dos et par extension, il symbolise aussi sa mère, dans une mise en abîme avec l’enfance elle-même carencée de sa mère. L’effet du transgénérationnel apparaît de manière évidente.
(3) Troisième investigation, autour de la GRENOUILLE : Ce symbole permet l’expansion du Soi, par l’ouverture vers l’extérieur et vers les autres. La patiente voit d’abord plusieurs grenouilles, en communauté, ce qui l’émeut particulièrement. Puis les canaux mnésiques la
mettent en lien avec des figures masculines porteuses d’un sentiment amoureux : le coup de coeur du moment et son chirurgien, qui l’a remise sur pied – littéralement – après un grave traumatisme à la colonne vertébrale source d’une profonde remise en question identitaire
(notamment en forçant l’interruption de sa pratique du rugby, après dix ans). Malgré ce désir de connexion demeure un sentiment d’inquiétude quant à se jeter l’eau. Tension parfaitement illustrée par la chanson de Daniel Balavoine qui retentit ensuite : “Je ne peux pas, je ne sais
pas, et je reste plantée là. La loi ne fait plus les hommes. Quelques hommes font la loi”. Que dire de plus ?
Cette investigation met en lumière le rôle d’ancrage identitaire du symbolique en EMDR : s’y joue l’ambivalent et l’amphibie de la grenouille, capable de naviguer aussi bien dans l’univers terrestre qu’aquatique. Nous y voyons l’identité de la femme qui s’assume, qui désire et s’enrichit en réquilibrant son Anima sur-représenté en allant à la rencontre de l’Animus.
(4) Quatrième investigation, autour de la MÈRE/L’ANIMA : Cette investigation permet de tisser les différents niveaux d’analyse dans la pensée jungienne : l’inconscient personnel et collectif, jusqu’aux universels de la psyché humaine (les archétypes) médiés par un terreau symbolique culturel qui remonte ici à l’histoire des civilisations occidentales. En effet, les premiers effets des stimulations bilatérales alternées dans l’application du protocole EMDR d’investigation mettent la patiente en lien avec un bruit d’images. Puis elle voit l’image d’un ballon comme celle de la coupe du monde de football, avec deux mains l’entourant. Remonte ensuite une montgolfière, figure familière et familiale qui la renvoie à la détente pratiquée par sa thérapeute EMDR à la fin de toute séance (pour avoir un SAS intermédiaire entre la fin d’un EMDR et le fait de reprendre le quotidien). La patiente se sent légère et apaisée. Survient à ce moment-là un point de bascule, avec la figure associée d’un grand et d’un petit éléphants, énonciateurs et annonciateurs de l’Histoire avec un grand H. Apparaissent ici une série de symboles renvoyant à l’Antiquité, l’âge d’or des sociétés occidentales : un sarcophage égyptien, une chouette, un guerrier de Sparte et la déesse Athéna. Un autre tournant émerge alors avec l’apparition angoissante d’un crocodile, hautement signifiant puisqu’il renvoie à la théorie lacanienne de la “mère-crocodile”, celle qui dévore, menace, terrorise son enfant.
D’ailleurs, le tout premier EMDR de la patiente fit remonter l’image de la petite fille dans une fosse à crocodiles. En contrepoint, il est intéressant de rappeler que le crocodile est au contraire associé dans l’Égypte antique à Sobek, fils de la déesse aquatique Neith et dieu de
la force, de la protection et de la fertilité. Cette valeur ancestrale met en lumière une tension intéressante avec la lecture lacanienne : la connexion avec l’âge d’or de l’Antiquité permet de redorer l’enfance de la patiente. Dans son cas, l’âge d’or de l’enfance n’est-il pas entaché et pris dans les raies d’une mère inquiétante et destructrice plus que nourricière ?
L’exploration EMDR débouchera ensuite sur l’association avec le surnom donné à la jeune fille par son beau-père : le “crocobra”. L’EMDR conclut avec l’apparition de plusieurs reptiles, crocodiles comme serpents ; là aussi, manifestation d’une mise en abîme avec la mère, dans un prolongement identitaire imposé à la patiente à un âge où elle n’était pas
équipée psychiquement pour en faire en sens et s’en extraire. Le travail de conscientisation que permet l’investigation est donc source d’émancipation.
Là où le langage assigne, l’EMDR libère.
Cette investigation souligne le rôle d’intégration propre au Traitement Adaptatif de l’Information, qui change l’information négative en information positive. Nous constatons que le symbolique renforce cette propriété de l’EMDR, en tissant histoire personnelle autour de personnages biographiques et Histoire avec un grand H autour de personnages mythologiques. Nous voyons à l’oeuvre un état de conscience particulier, source d’un foisonnement de sens, de valeurs signifiantes et d’effets résolutifs. Nous pourrions aller jusqu’à questionner les spécialistes de l’hypnose et de la physique quantiques pour éclairer cette intuition.
En conclusion
L’EMDR n’offre pas simplement un protocole pour guérir les traumatismes, il ouvre la voie à une exploration de la psyché individuelle comme collective. À l’encontre du discours dominant qui prête des vertus magiques et immédiates à l’EMDR, ce travail montre
que le Traitement Adaptatif de l’Information amène à traverser des dimensions inédites mésestimées (Réel, symbolique, imaginaire), en écho au processus d’individuation jungien.
Comme dans une mise en miroir, le groupe de travail a lui-même éprouvé le principe de
réinvention de Soi en menant des expérimentations auto-ethnographiques conjointes. De l’exploration interdisciplinaire (par un coach, une chercheure universitaire en théorie des organisations, une psychanalyse jungienne et une psychanalyste et formatrice EMDR) est née
l’intuition inédite de transposer cet outil à l’échelle collective : bien plus qu’une simple pilule à avaler, et si l’EMDR était un levier prometteur pour soigner le travail, en invitant les collectifs à se réinventer et à se régénérer ?
